interview de Nathalie BELLOT, Chargée de mission Économie verte - (Économie circulaire, Économie sociale et solidaire)
DREAL Grand Est / Service Connaissance et Développement Durable / Pôle Promotion du Développement DurablePourquoi une feuille de route nationale Économie circulaire ?
Le modèle linéaire « fabriquer, consommer, jeter » se heurte à l’épuisement des ressources de la planète. Il faut progresser vers une économie différente, où nous consommons de manière sobre, où les produits ont une durée de vie plus longue, où nous limitons les gaspillages et où nous arrivons à faire de nos déchets de nouvelles ressources. La Feuille de route vise à décliner de manière opérationnelle la transition de notre économie. Fruit de cinq mois de travaux ayant associé toutes les parties prenantes ainsi que le public via une consultation en ligne, elle présente un ensemble de mesures cohérentes, équilibrées et structurantes qui aidera tous les acteurs « à entrer dans la boucle ».
Elle permet en outre à la France d’atteindre certaines cibles des objectifs du développement durable de l’Agenda 2030 des Nations Unies, en particulier l’objectif 12 « d’établir des modes de consommation et de production durables ».
En quelques mots, qu’est-ce que cela va changer dans le quotidien des français ?
En résumé, ce qui aura changé d’ici 2020 dans le quotidien des Français avec la feuille de route pour l’économie circulaire :
- ils auront des solutions de collecte sélective lorsqu’ils voudront se séparer de leurs produits du quotidien : articles de sport, de loisirs, outils de jardinage et de bricolage,
- ils auront accès à des informations sur la durabilité et l’éco-conception des produits qu’ils achètent grâce à des applications mobiles et des outils d’affichage,
- Ils auront davantage de possibilités d’acheter des produits composés de matières issues du recyclage,
- ils trieront leurs déchets plus facilement grâce à l’harmonisation de la couleur des poubelles sur l’ensemble du territoire en 2022,
- ils pourront associer un geste écologique à un geste solidaire. Leurs collectivités auront en effet mis en place des systèmes de consignes solidaires, zones de collecte des bouteilles plastiques et des canettes métalliques. Une bouteille ou canette ramenée = un don effectué à une grande cause nationale,
- ils pourront plus facilement jeter leurs mégots dans des contenants prévus à cet effet et déployés partout sur le territoire. Des pistes innovantes sont en travail.
Quelles mesures concernent le secteur du bâtiment ?
La feuille de route Économie circulaire affiche des objectifs à atteindre dans les différents secteurs de l’économie dont celle du bâtiment.
Mieux consommer, mieux produire, mieux gérer ses déchets et mobiliser l’ensemble des acteurs s’applique donc aussi à ce secteur. N’oublions pas qu’avec 247 millions de tonnes de déchets par an, le secteur de la construction est responsable de plus des deux tiers des déchets en France, issus des activités de démolition et de déconstruction.
Concernant les volets « mieux consommer et mieux produire », cela veut dire intensifier les efforts déjà engagés pour encourager les filières innovantes qui visent à l’utilisation des matériaux de construction biosourcés (bois, paille, chanvre, laine, etc), mais également encourager les matériaux de récupération.
Le concept d’éco-conception (prise en compte des impacts environnementaux à toutes les étapes du cycle de vie) appliqué aux bâtiments est un sujet porteur et très motivant. Associer la recherche, à travers les laboratoires des écoles d’Architecture ou les écoles d’ingénieurs est donc primordiale.
et concrètement sur les déchets du bâtiment?
Renforcer le tri, le réemploi et la valorisation des déchets du BTP est une des mesures phares de cette feuille de route. (mesure 33).
Un groupe de travail a été mis en place cet été au niveau national visant à améliorer l’efficacité de la reprise des déchets du bâtiment, via l’étude d’un dispositif permettant la reprise gratuite. L’instauration d’une filière de responsabilité élargie du producteur (REP) appliquée aux déchets du bâtiment est l’une des solutions qui sera étudiée pour atteindre cet objectif. Les livrables issus de ce GT sont attendus fin d’année et un décret pour le début 2019.
En outre, il y a la volonté de revoir en profondeur le dispositif actuel du diagnostic déchets avant démolition pour en faire une base solide et efficace pour les démarches ultérieures de réemploi et de valorisation des matériaux et déchets de chantiers.
Pour le volet « favoriser le réemploi dans la construction », il sera élaboré des guides techniques permettant la reconnaissance des performances techniques, sanitaires et environnementales. Ce travail se fera avec l’ensemble des acteurs du secteur.
Comment entrer dans une démarche économie circulaire en entreprise ?
La démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises) de l’entreprise est une bonne entrée. Elle permet en effet d’aborder la problématique globalement, à toutes les étapes des process industriels, à tous les secteurs de l’entreprise, et en prenant en compte toutes les parties prenantes : employés, clients, fournisseurs, actionnaires, etc. Les outils et les possibilités de diagnostics sont aujourd’hui nombreux.
L’économie circulaire peut être appliquée à tous les champs de l’entreprise : l’approvisionnement durable, les économies d’énergie, l’éco-conception, de nouvelles forme de gouvernance mais aussi l’inscription dans une démarche d’écologie industrielle et territoriale (travail en lien avec les entreprises et les élus du territoire pour rechercher des optimisations de flux entre elles par exemple ou de partage de services)…. autant de nouveaux champs d’investigations pour une entreprise. L’économie circulaire ne se résume pas seulement à la gestion des déchets.
Quels dispositifs et acteurs sont disponibles pour aider ces entreprises dans leur projet d’Économie circulaire ?
Je pense au dispositif de l’ADEME « TPE/ PME gagnantes sur tous les coups », qui est aussi une mesure phare de la feuille de route. Ce dispositif vise à accompagner des entreprises volontaires pour rationaliser leur consommation de ressources, réduire leur production de déchets et ainsi réaliser des économies récurrentes (80% des entreprises qui en ont déjà bénéficié ont économisé plus de 180€ par salarié et par an).
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En région Grand Est, les CCI sont les interlocuteurs privilégiés des entreprises pour les guider dans leurs projets. Et tous les dispositifs financiers de la Région et de l’ADEME sont référencés sur un site unique CLIMAXION.fr
Justement quelle est la mise en œuvre de cette feuille de route nationale dans notre région?
A l’instar de faire de l’économie circulaire une démarche transversale aux politiques gouvernementales, dans le Grand Est, les différents acteurs des politiques publiques travaillent actuellement à une coordination de leurs actions respectives en faveur d’une économie plus sobre et solidaire : Région, ADEME, services de L’État, Agences de l’eau, etc . L’idée n’est pas de décliner la feuille de route mais de voir, comment, selon les enjeux de notre territoire, nous y contribuons. Les aides publiques et les dispositifs financiers seront donc orientés pleinement vers l’atteinte d’objectifs partagés.
Outre ce travail institutionnel, différents événements de sensibilisation à destination des entreprises et des élus ont lieu régulièrement.
Les prochains RDV :
- 10 et 11 octobre : Rencontres francophones de l’EIT à Troyes, organisé par le Club Écologie industrielle de l’Aube,
- 7 novembre : Séminaire "Parler d’EC aux acteurs économiques" à Metz, organisé par l’ADEME et la DIRECCTE,
- 15 novembre : Forum DD à Strasbourg, organisé par Idée Alsace. (remise des trophées RSE).